Michel Cremer
Michel Cremer

Un soutien précieux à l'apprentissage

Bel hommage que celui rendu à Michel Cremer, qui fut longtemps chef du service de gastro-entérologie et d’hépato-pancréatologie de l’Hôpital Erasme-ULB jusqu ‘à sa retraite en 1998 : une Fondation portant son nom vient d’être créée. Parmi ses objectifs, développer l’enseignement, la recherche et la qualité clinique en gastroentérologie, avec une attention particulière sur l’endothérapie. Disparu il y a un an (le 25 mars 2009) à l’âge de 74 ans, le Pr Michel Cremer a marqué toute une génération de gastro-entérologues qu’il a formés. Diplômé de I’ULB en 1958 – au moment où fut réalisée la toute première endoscopie flexible par Hirchovitz – Michel Cremer entama sa carrière d’interniste à Brugmann, sous la direction d’abord du Pr Lambert, puis de Jean-Jacques Desneux, pionnier de l’endoscopie semi-rigide et du traitement des hémorragies digestives. «On ne se rend pas compte des progrès accomplis en 50 ans. Pouvoir localiser, avant d’ouvrir un ventre, le site de I ‘hémorragie digestive était considéré comme quelque chose d’extraordinaire à l’époque, explique le Pr Jacques Devière, responsable du Département de gastroentérologie de l’Hôpital Erasme, qui eut pour maître Michel Cremer. L ‘endoscopie souple, encore balbutiante, se pratiquait alors avec des systèmes semi-rigides que I ‘on introduisait dans I ‘Œsophage». Suite au décès accidentel de Robert Desneux, Michel Cremer sauta lui-même dans ce train, devenant très vite l’un des pionniers mondiaux de l’endoscopie biliopancréatique ou cholangiopancréatographie. (Il a été I ‘un des premiers à réaliser des opacifications de la voie biliaire, révolutionnant la prise en charge de ces pathologies, à une époque où c ‘était réalisé seulement par quelques personnes particulièrement douées, poursuit le Pr Devière. Par exemple, les calculs de la voie biliaire principale, qui donnaient de la jaunisse et de la température, étaient responsables d’un taux de mortalité de I ‘ordre de 40 % dans les années 60 parce que leur traitement était chirurgical, on attendait que cela passe, cela se faisait dans des conditions dramatiques… Maintenant on enregistre moins de 2 % de mortalité. On traite la pancréatite chronique, les calculs, on fait de la palliation des tumeurs biliaires, du drainage préopératoire, on draine à travers I ‘estomac toutes les collections qui se trouvent autour…

Michel Cremer effectua également, en janvier 1974, le premier acte thérapeutique biliaire en Belgique – une sphinctérotomie biliaire quatre mois à peine après cette nouvelle «première» mondiale réalisée par un Allemand et par un Japonais. Son Ecole d’endoscopie à Brugmann, déjà très connue, gagna encore en réputation. Puis, dès la fondation de l’hôpital Erasme en 1977, il créa avec son comparse Jean-Pierre Lambilliote, chef de gastro à Brugmann, le département médicochirurgical de gastro-entérologie. «C ‘était assez révolutionnaire, à I ‘époque, de vouloir faire travailler ensemble des chirurgiens et des médecins, pour soigner les mêmes malades. Il décida ainsi de transférer son Ecole d’endoscopie de Brugmann à Erasme, où il y avait la garde, les soins intensifs et le service de gastro-entérologie dans I ‘hôpital».

Collaboration médicochirurgicale

Une bonne quarantaine de médecins travaillent aujourd’hui dans le département, l’un des plus importants en Belgique, en dehors de la KUL, gérant ensemble les services d’endoscopie, d’hépatologie, de chirurgie digestive et de gastro-entérologie. « Une de ses particularités, en termes de développement du service, est aussi d’avoir été le premier au niveau mondial à traiter par voie endoscopique les maladies du pancréas, poursuit Jacques Devière. On lui doit ainsi les premières sphinctérotomies pancréatiques en 1976, mais aussi les premiers drainages de kystes au travers de la paroi du tube digestif déjà en 1980. Il fallait avoir le cœur bien accroché pour cette opération car nous n ‘avions pas les mêmes instruments qu ‘aujourd’hui. Tout ceci a valu à notre Ecole de rester un centre de référence mondiale dans le traitement de la pancréatite chronique, cette maladie inflammatoire et fibrosante du pancréas pour lesquelles il existe des traitements chirurgicaux et médicaux ou endoscopiques, domaine dans lequel nous avons été les pionniers grâce à lui». Enfin, Michel Cremer eut l’intelligence d’ouvrir le service à d’autres disciplines (oncologie digestive, hépatologie, nutrition) qui prennent autant d’importance que l’endoscopie. «ll m ‘a encore aidé à créer le laboratoire de recherche de gastro-entérologie attaché aux services cultaires, et qui est un laboratoire de recherche fondamentale et translationnelle», confie celui qui lui a succédé comme chef du service de gastro-entérologie et d’hépato-pancréatologie de l’hôpital académique de l’ ULB sur le campus Erasme. Après sa retraite, il a poursuivi bénévolement sa passion durant quelques années dans le service, qui lui avait offert un tableau au moment de son départ. Sa disparition, l’an passé, laissa un énorme vide pour ses amis et beaucoup d’émotion chez ses collaborateurs et élèves disséminés aux quatre coins du monde. «On a décidé de créer une Fondation à son nom, puisqu’il y avait des gens qui voulaient donner un peu d’argent au niveau international – il avait créé I ‘enseignement en direct et cours que l’on organise chaque année en juin, avec toutes les précautions et notions d’éthique que cela sous-tend par rapport au patient, à I ‘occasion de notre congrès de gastro-enterology and endotherapy qui réunit près de l. 000 participants venant du monde entier. La création de cette fondation a donc été une volonté de I ‘ensemble du service qui lui était fort attaché».

Développer l’enseignement, la recherche et la qualité clinique en gastro-entérologie avec une attention particulière sur l’endothérapie, sont les objectifs de cette Fondation. Ce but très large permet entre autres d’octroyer des bourses à des médecins en formation – paraît-il nombreux à venir se spécialiser chez nous – de remettre l’un ou l’autre prix pour des travaux de recherche et d’intervenir dans les frais de fonctionnement ou de personnel. A terme, la Fondation pourrait aider à développer un centre d’enseignement de la gastro-entérologie et de l’endothérapie. Dans un premier temps, ces cours se donneront dans des locaux à disposition dans l’hôpital, mais à moyen terme pourquoi ne pas imaginer une structure de dimension raisonnable dédiée essentiellement à ce type d’enseignement, comprenant l’évaluation de nouvelles techniques et d’enseignements théoriques, voire des évaluations pré-cliniques de nouveaux traitements ? Un rêve que formule déjà son élève, le Pr Jacques Devière.

 Rédigé par :  » Thierry Goorden  »